Les dessous du
boom du cobal

Dans le sud-est de la République démocratique du Congo, Glencore exploite deux immenses mines de cuivre et de cobalt. Alors que cette entreprise suisse de matières premières réalise de juteux bénéfices, la population qui habite à proximité de ses mines congolaises n’en tire pratiquement pas parti : elle vit dans la pauvreté, subit les effets de la pollution de l’air et du sol et est privée d’un accès suffisant à l’eau et aux soins de santé.

Depuis de longues années, Pain pour le prochain, Action de Carême et leurs partenaires locaux défendent les droits de ces personnes, et notamment leur droit à un environnement intact. Ils entreprennent tout ce qui est en leur pouvoir pour que Glencore assume davantage ses responsabilités, répare les dommages et verse des indemnisations équitables. Leurs efforts sont parfois couronnés de succès et parfois vains.

Ce reportage vous emmène dans les quartiers de la ville minière de Kolwezi et dans les villages situés aux alentours des mines pour vous faire découvrir les conditions dans lesquelles vivent leurs habitant·e·s et vous montrer ce que nous pouvons faire pour les soutenir dans leur lutte pour un avenir meilleur.

Bienvenue à Kolwezi

Même si l’on se promenait les yeux bandés dans les rues de Kolwezi, on remarquerait qu’il ne s’agit pas d’une ville comme les autres. Certes, la circulation est assourdissante, des coups de klaxon déchirent l’air et de la musique s’échappe des échoppes, comme partout en Afrique. Ce qui est propre à Kolwezi, c’est un bourdonnement omniprésent dont il est impossible de se défaire, un cliquetis, un grondement qui vous accompagne jour et nuit.

Ce tumulte provient des excavatrices qui, cachées derrière des remblais, chargent des fragments de roche sur des camions, ou des convoyeurs qui alimentent des concasseurs. En plein centre-ville, des machines de chantier trônent au beau milieu du rond-point, entourées d’affiches vantant les mérites des « mining cocktails ». Toutes les voies d’accès sont engorgées par des camions-remorques chargés de plaques de métal et par des camions-citernes transportant des produits chimiques.

Rond-point au centre de Kolwezi

Rond-point au centre de Kolwezi

Bienvenue à Kolwezi ! Cette ville minière, qui compte 500 000 habitant·e·s, se situe à l’extrémité sud-orientale de la République démocratique du Congo, dans la région du Katanga, au cœur de la ceinture de cuivre. Si Kolwezi est le centre névralgique de l’extraction du cuivre, les entreprises minières y extraient aussi du sol un métal bien plus précieux, sans lequel le monde tel que nous le connaissons actuellement ne pourrait pas tourner : le cobalt.

Auparavant utilisé pour teinter le verre en bleu, le cobalt est aujourd’hui l’élément central des batteries lithium-ion, dont le nom est trompeur. Elles ont en effet peu de lithium et beaucoup de cobalt. Les batteries des téléphones portables en contiennent par exemple dix grammes, pas grand-chose toutefois en comparaison avec celles des voitures électriques, qui en renferment huit kilos.

Une ville prise par la fièvre du cobalt

Deux tiers de la production mondiale de cobalt proviennent du Congo, principalement de la région de Kolwezi, qui compte six des dix plus grandes mines de cobalt au monde et possède 60 % des réserves mondiales. Les batteries pour véhicules électriques étant de plus en plus demandées, le cours du métal bleu a bondi de 400 % de février 2016 à mars 2018, pour atteindre 95 000 dollars la tonne. Si le cours est ensuite nettement redescendu en raison de la hausse de la production, la demande enregistrée par les batteries à haut rendement, et par conséquent par le cobalt, reste élevée.

Quoi qu’il en soit, la fièvre du cobalt n’a pas quitté Kolwezi. Des dizaines de milliers de personnes, provenant d’autres régions du Congo, mais aussi d’autres pays africains, y ont afflué pour tenter leur chance dans de petites exploitations artisanales, de sorte que Kolwezi a vu arriver 120 000 nouveaux habitants, de jeunes hommes pour la plupart, qui mettent la ville sens dessus dessous. Ils creusent sous les cabanes et les maisons, percent des puits de 80 mètres de profond, ratissent les remblais et les boues de résidus à la recherche du précieux minerai. Ils l’acheminent ensuite à dos d’homme, sur des bicyclettes, dans des minibus ou des camionnettes vers les comptoirs de Musompo, à l’orée de la ville, pour le vendre principalement aux négociants chinois dont les cabanes s’alignent par dizaines le long de la route.

Mais les affaires réellement florissantes sont réalisées ailleurs, dans les immenses mines à ciel ouvert qui entourent la ville et balafrent profondément le paysage. Ville ou mine ? Mine ou ville ? À Kolwezi, les limites sont mouvantes. Des fenêtres de certaines maisons, la vue donne tout droit sur le gouffre d’une mine de même que des magasins et des jardins jouxtent les remblais, sur lesquels patrouillent des hommes armés, chiens en laisse.

Glencore, numéro 1 du secteur

Si des entreprises chinoises prennent de plus en plus pied dans l’extraction industrielle des minerais, les gisements de cuivre et de cobalt les plus rentables de Kolwezi sont cependant aux mains d’un groupe suisse : Glencore. Le géant zougois des matières premières, contrôle la Kamoto Copper Company (KCC), dont la mine se situe à l’orée de la ville et possède également l’énorme mine à ciel ouvert de Mutanda Mining (Mumi), située à 20 kilomètres. Mises ensemble, ces deux mines sont plus étendues que le canton de Bâle-Ville.

Vue de la fonderie de la Kamoto Copper Company

Vue de la fonderie de la Kamoto Copper Company

La quasi-totalité de la production de cobalt de Glencore provient de ces deux seules mines, mais cela suffit à en faire le numéro 1 mondial, avec une part de marché d’environ 30 %. Le groupe Glencore entend augmenter encore ce pourcentage, car il table sur une hausse persistante de la demande en cuivre et en cobalt en raison du boom des véhicules électriques. Dans son rapport annuel 2017, il déclarait ainsi vouloir augmenter sa production de cobalt de 133 % d’ici 2020.

En 2017, le groupe zougois a réalisé un chiffre d’affaires de 205 milliards de dollars et un bénéfice de près de six milliards. En revanche, les habitant·e·s des quartiers de Kolwezi et des villages entourant les mines n’en retirent pratiquement aucun profit. Bien que leur sous-sol regorge de richesse, la plupart d’entre eux sont plongés dans la misère. La population vit dans sa propre chair les conséquences de l’industrie extractive : air vicié, eau polluée, sols contaminés.

David contre Goliath

Il n’est pas facile de se défendre contre des groupes miniers. La justice congolaise a un fonctionnement déficient, le niveau de formation de la population est très bas et nombreuses sont les personnes à ne pas connaître leurs droits. Une version moderne de la lutte de David contre Goliath. Toutefois, depuis de nombreuses années, la population reçoit le soutien de partenaires locaux d’Action de Carême et de Pain pour le prochain. Les collaborateurs et collaboratrices de l’Observatoire africain des ressources naturelles (Afrewatch) et du Centre d’aide juridico-judiciaire (CAJJ) connaissent la situation sur place et sont en contact direct avec les habitant·e·s des quartiers et des villages.

« La population ne tire aucun profit des mines et vit dans des conditions misérables. (...) Les personnes manquent de tout : eau potable, électricité, éducation et soins médicaux. Elles vivent de plus dans un environnement pollué. »
Emmanuel Umpala, directeur d’Afrewatch

Ces partenaires dressent le constat des pollutions des rivières et des champs par des substances toxiques, prélèvent des échantillons d’eau et de sol, mesurent la qualité de l’air, écrivent des rapports et prennent contact tant avec les autorités locales qu’avec les représentants de Glencore. Ils exercent des pressions, saisissent la justice si nécessaire et luttent avec la population locale pour obtenir des indemnités équitables et un meilleur respect de l’environnement et des droits humains. En publiant des rapports en Suisse, Pain pour le prochain et Action de Carême garantissent que cette lutte rencontre un écho international.

Quels sont les progrès réalisés ? Il suffit d’observer les quartiers de Musonoi et de Luilu ainsi que les villages de Moloka et de Kaindu pour constater les améliorations mais aussi tout ce qu’il reste encore à faire. Dans toutes ces localités, les habitant·e·s subissent de plein fouet les effets de l’extraction de matières premières. En effet, Musonoi et Luilu jouxtent la mine KCC de Glencore. Quant aux villages de Moloka et Kaindu, ils sont à un jet de pierre de Mutanda Mining.

« Il y a un abîme entre les colossaux investissements consentis dans les mines et la misère qui est le lot de la population. Ce n’est pas seulement la pauvreté qui est criante, mais aussi la pollution provenant des mines. »
Sœur Nathalie Kangaji; coordinatrice de CAJJ

Musonoi et Luilu jouxtent la mine de Kamoto Copper Company, Moloka et Kaindu celle de Mutanda Mining. Les deux mines appartiennent à Glencore.

Musonoi et Luilu jouxtent la mine de Kamoto Copper Company, Moloka et Kaindu celle de Mutanda Mining. Les deux mines appartiennent à Glencore.

Musonoi

Un bidonville en attente d’eau

Si une localité mérite l’appellation de bidon-ville, c’est bien Musonoi. Pas tant en raison de la pauvreté de ses habitant·e·s – ce quartier de la périphérie de Kolwezi abrite de hautes maisons en briques et non de simples baraques – mais plutôt à cause de l’omniprésence de bidons dans ses rues.

Ces récipients jaune vif sont transportés par des femmes et des enfants, qui les attachent en bandoulière lorsqu’ils sont vides et les portent à bout de bras lorsqu’ils sont remplis et lourds comme du plomb. Personne ne parvient à en soulever plus de deux à la fois, sauf en les accrochant à l’un des vélos qui sillonnent les rues poussiéreuses durant l’après-midi.

De fait, entre 15 h et 19 h, les deux conduites qui traversent Musonoi fournissent de l’eau pendant deux à trois heures. Tout le monde afflue alors vers les points de distribution afin de remplir des bidons. Les livreurs à vélo monnaient leurs services à prix d’or : une course coûte 500 francs congolais, soit 30 centimes. Les personnes qui n’en ont pas les moyens doivent s’en remettre à elles-mêmes ou se faire aider de leurs enfants, voire les deux.

Des engagements restés lettre morte

La cité de Musonoi, qui compte 50 000 habitant·e·s, est cernée sur trois côtés par la mine de la Kamoto Copper Company (KCC), une filiale de Glencore. Il y a une quinzaine d’années, avant que n’interviennent la privatisation de l’industrie extractive congolaise et la vente de concessions à des investisseurs étrangers, toute la région appartenait à l’entreprise publique Gécamines. Selon Jean Kasongo, directeur du comité local de l’organisation Afrewatch, partenaire de Pain pour le prochain et d’Action de Carême, la population vivait mieux à l’époque, car l’approvisionnement en eau était assuré partout, de jour comme de nuit.

Illustrant son propos à l’aide d’un plan, il attire notre attention sur les maisons signalées en rouge, qui sont dépourvues d’accès direct à l’eau. Il s’agit de 80 % des habitations. Cependant, Jean Kasongo fait sans doute preuve d’un excès de nostalgie pour  le bon vieux temps, car c’est bien en raison d’erreurs de gestion de Gécamines que l’infrastructure a périclité. Il n’en demeure pas moins que les nouveaux patrons suisses n’ont, jusqu’à ce jour, pratiquement rien entrepris pour améliorer la situation.

La cité de Musonoi est cernée sur trois côtés par la mine de KCC.

La cité de Musonoi est cernée sur trois côtés par la mine de KCC.

Selon Jean Kasongo, bien que KCC se soit engagée à plusieurs reprises à remettre en service le système d’approvisionnement en eau, on ne cesse de lui affirmer que le quartier de Luilu, situé de l’autre côté de la mine et également dépourvu d’accès à l’eau courante, mérite une attention plus urgente. Par ailleurs, KCC fait valoir que c’est au gouvernement qu’il revient de veiller au bon fonctionnement des infrastructures d’approvisionnement en eau, d’autant que Glencore s’acquitte de taxes et d’impôts.

« L’eau est source de vie. C’est ce à quoi nous aspirons dans notre quartier. Glencore s’est engagé à creuser trois puits il y a trois ans et a renouvelé sa promesse l’année dernière. Pourtant, nous attendons toujours. »
Jean Kasongo, directeur du comité local d’Afrewatch, Musonoi

En revanche, la population de Musonoi considère que la responsabilité incombe aux « Musungu », à savoir les « blancs » qui s’enrichissent grâce à l’extraction de matières premières. « Mai mai » martèlent-ils à notre attention en traversant le quartier : « eau eau ». Pour Berthe Mpala, cette attente sans fin est également un calvaire. Cette mère de huit enfants, que nous avons rencontrée à l’un des points de distribution, doit chaque jour remplir et transporter elle-même dix bidons pour subvenir aux besoins de sa famille, car elle n’a pas toujours de quoi s’offrir les services d’un coursier à vélo

« J’ai besoin d’au moins dix bidons d’eau pour subvenir aux besoins de ma famille. Cette tâche me demande quatre heures de travail par jour. »
Berthe Mpala, mère de huit enfants, Musonoi

L’église, un lieu de refuge

Un dimanche, après la messe, nous avons fait la connaissance de l’abbé Jean-Pascal, qui officie dans la paroisse catholique de Saint-Jean. Celui-ci nous a expliqué qu’à l’instar de « Mama Berthe », de nombreux habitant·e·s du quartier n’ont pas les moyens de faire transporter leurs bidons à vélo et doivent donc se faire aider par leurs enfants. « Des enfants âgés de 8 ou 9 ans traînent des bidons de 20 litres sur de longues distances », indique Jean-Pascal. On s’imagine aisément quelles en sont les conséquences sur leur santé.

À Musonoi, l’Église catholique est l’une des rares institutions à s’engager sans réserve pour répondre aux besoins de la population, que ce soit en dirigeant des écoles, des dispensaires et des centres de formation pour jeunes ou en intervenant auprès des autorités et des compagnies minières. « Elle s’engage également sur le plan politique et lutte pour la tenue d’élections régulières », ajoute Sœur Nathalie Kangaji, directrice du Centre d’aide juridico-judiciaire (CAJJ), partenaire d’Action de Carême et de Pain pour le prochain.

Messe dominicale dans l' église Saint-Jean de Musonoi

Messe dominicale dans l' église Saint-Jean de Musonoi

Néanmoins, aux yeux de Sœur Nathalie, l’Église remplit également un tout autre rôle : « Elle maintient la cohésion communautaire et apporte une bouffée d’air frais à la population. » Aussi les bancs de l’église Saint-Jean sont-ils bondés le dimanche. Dans une atmosphère baignée d’encens, les habitant·e·s chantent et dansent au rythme des airs récités par la chorale, et ce pendant plusieurs heures. L’église devient alors un lieu empreint d’espoir et de joie de vivre, où la population peut s’évader loin des rigueurs du quotidien.

La poussière plein les poumons

La corvée d’eau quotidienne n’est pas la seule difficulté qui rend la vie dure aux habitant·e·s de Musonoi. En effet, leurs maisons et leurs jardins sont constamment exposés aux nuages de poussières que le vent charrie de la mine de KCC. Et pour cause, le quartier se situe à proximité immédiate d’immenses remblais, dont il n’est séparé que par la simple clôture électrifiée que Glencore a installée pour prévenir les intrusions.

Glencore protège le périmètre de la mine de KCC au moyen d’une clôture électrifiée.

Glencore protège le périmètre de la mine de KCC au moyen d’une clôture électrifiée.

Les routes en terre battue empruntées par les camions des mines sont un problème encore plus épineux. Les tourbillons de poussières soulevés par les poids lourds retombent ensuite sur les maisons, les arbres et les plantes, et viennent se loger dans les poumons des habitant·e·s. Ici non plus, Glencore ne saurait nier toute responsabilité. Ainsi, dans son rapport annuel 2017, Katanga Mining, la société mère de KCC, reconnaît que les communautés sont « affectées négativement par les poussières et le bruit ».

Il suffit de se rendre dans l’un des dispensaires du quartier pour en avoir la confirmation. En effet, durant la saison sèche, de nombreuses personnes souffrent de toux et de bronchite, comme l’indique Véronique Kakoma-Mwika, infirmière au dispensaire d’Unoja, lequel est géré par la paroisse de Saint-Jean. Cette situation n’a rien d’étonnant. En mai 2018, Afrewatch a relevé à Musonoi des valeurs de matières particulaires grossières (PM10) allant de 150 à 275 microgrammes par mètre cube (μg/m3), soit près de cinq fois la valeur limite recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fixe la moyenne journalière à 50 μg/m3.

Des disparités criantes

Le personnel du dispensaire de Bora, situé quelques rues plus loin, est lui aussi préoccupé. Parmi les patient·e·s du centre, de nombreuses personnes sont atteintes de diarrhée ou d’hépatite, qui sont des maladies liées à la contamination de l’eau. Durant la saison sèche, lorsque la poussière vole dans les rues, viennent s’ajouter les affections respiratoires. « Les patients commencent souvent par tousser », explique un médecin. Ensuite, il n’est pas rare que la toux évolue en pneumonie.

« Les maladies respiratoires sont fréquentes, en particulier pendant la saison sèche. Il y a trop de poussière dans les rues à cause des camions et lorsqu’il pleut, tout se transforme en bourbier. »
Véronique Kakoma Mwika, infirmière

« Nous avons demandé à de multiples reprises que les rues soient goudronnées », souligne Jean Kasongo. Et d’ajouter, « KCC ashitufaniye kitu ». Cette phrase, on l’entend souvent à Musonoi. « KCC ne fait rien pour nous aider. » Néanmoins, ce n’est pas totalement vrai. En effet, la mine de Glencore contribue aux activités d’une menuiserie. En outre, elle a rénové des écoles et fait des dons de matériel didactique et de nourriture pour des camps scolaires. Cependant, Jean Kasongo estime qu’une approche intégrale des besoins essentiels de la population – eau potable, alimentation en électricité fiable, qualité des routes – fait défaut.

Glencore se contente de prendre, sans donner en retour. Si de nombreuses personnes sont amenées à formuler des déclarations en ce sens, c’est vraisemblablement en raison du contraste stupéfiant qui oppose, d’une part, l’extrême pauvreté de la population vivant aux abords des mines et, d’autre part, l’opulence des pays dans lesquels les produits fabriqués à partir des matières premières congolaises sont consommés. De nombreux Congolais et Congolaises s’interrogent : comment se fait-il que nous n’ayons rien et qu’ils aient tout, alors que les richesses se trouvent juste sous nos pieds ?

Ces disparités sautent aux yeux lorsque l’on visite les dispensaires de Musonoi. Dans la minuscule pièce qu’elle surnomme avec humour « notre laboratoire », Véronique Kakoma nous montre leur microscope, depuis longtemps hors d’usage. Au dispensaire de Bora, les toilettes et les douches se trouvent à l’extérieur, dans une cour poussiéreuse. Les murs des chambres sont couverts de moisissures, tandis que les matelas sont noirs de crasse. En toute franchise, le visiteur européen prie pour ne rien attraper de grave en visitant les lieux. Or, les habitant·e·s de Musonoi ne connaissent rien d’autre.

La persévérance récompensée

Malgré tout, des progrès et des avancées sont réalisés. L’Association pour le développement de Musonoi, soutenue par Afrewatch, a milité pendant plusieurs années auprès de KCC et du gouvernement pour que la route reliant Kolwezi et Kapata, qui longe Musonoi par le sud, soit goudronnée. La première couche de revêtement a été appliquée à la fin de l’année 2018, et la pose de la deuxième ne tardera pas. En outre, des discussions sont en cours concernant la réfection de certaines rues du quartier.

Si les poussières provenant des remblais continuent à se poser sur le quartier de Musonoi, le goudronnage des routes devrait toutefois améliorer la situation. Richard Ilunga, directeur du programme d’Afrewatch, se félicite que les efforts consentis aient porté leurs fruits. Il ajoute que ces succès montrent qu’il faut persévérer pour obtenir des résultats. En effet, sans la pression exercée par la société civile, il est rare que les compagnies minières et le gouvernement œuvrent pour changer les choses. « C’est ainsi que va le monde », observe Richard Ilunga, « malheureusement ».

Luilu

Sous une chape de poussière

Nous nous dirigeons vers Luilu, un quartier situé à la limite septentrionale de la mine appartenant à la Kamoto Copper Company (KCC). Quiconque emprunte la Nationale 39 doit s’attendre à une circulation chaotique. On nous avait avertis. Cette route a beau être la principale artère qui relie Kolwezi à la frontière angolaise, elle n’est pas goudronnée et est truffée de dos d’âne et de nids-de-poule alors qu’elle supporte un intense trafic.

Nous sommes assourdis par le grondement de camions-remorques qui nous croisent par groupe de quatre, six ou huit en file indienne. Sous leur bâche, solidement arrimée, leur précieuse cargaison : le cobalt et le cuivre que KCC, la filiale de Glencore, ainsi que d’autres mines expédient via la Zambie vers les ports de l’Océan indien. Chaque monstre soulève des nuages de poudre jaune que le vent disperse alentour en de longs lambeaux.

Convois de camions sur la route de Luilu

Convois de camions sur la route de Luilu

La bande de terrain qui longe la N39 est densément peuplée : maisons, jardins et échoppes s’y succèdent. Lorsqu’un convoi passe en vrombissant, la poussière qu’il soulève est si épaisse que les bâtiments d’en face disparaissent de la vue. Le soir tombe en plein jour. Pour éviter les accidents, il vaut mieux allumer ses phares.

Luilu se situe sur la Nationale 39, en face de la mine KCC.

Luilu se situe sur la Nationale 39, en face de la mine KCC.

Nous nous arrêtons pour mesurer la qualité de l’air. Le témoin lumineux passe au rouge foncé : « HAZARDOUS » (dangereux). L’appareil indique une concentration de particules fines (<2,5 μm ou PM 2,5) de « 500+ » : si élevée qu’il ne peut pas la mesurer avec exactitude. À titre de référence, la limite journalière recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 25 microgrammes par mètre cube, soit 20 fois moins que ce qui est mesuré en bordure de route.

Il est aisé d’en imaginer les conséquences pour les riverains, car personne ne conteste le lien entre l’exposition aux particules fines et des maladies graves, comme la bronchite, l’asthme ou le cancer du poumon. Or, les valeurs mesurées ne sont pas élevées seulement au bord de la route principale, mais aussi dans le village de Luilu. Nous y mesurons les particules plus grossières (<10 μm ou PM 10) et parvenons à des concentrations similaires à celles enregistrées au centre de Musonoi, de 150 à 230 microgrammes par mètre cube, soit de trois à cinq fois plus que les limites journalières établies par l’OMS.

Les responsables de Glencore font valoir que des camions d’autres mines empruntent eux aussi la route et que sa filiale, KCC, est la seule entreprise à l’arroser pour réduire les émissions de poussière. Les habitant·e·s de Luilu jugent cet argument sans valeur. Certes, des camions-citernes arrosent bien la route, comme le confirme Sylvain Mbuya, mais ils ne le font pas assez souvent : « Deux passages par jour ne suffisent pas, car le soleil assèche très vite la route ».

« Regardez les routes. La poussière nous rend malades. Elles sont aussi pleines de nids-de-poule et deviennent impraticables durant la saison des pluies. »
Sylvain Mbuya, ancien employé de Gécamines à Luilu

La rivière, un dépotoir

Sylvain Mbuya, qui a travaillé pour la société publique des mines Gécamines, habite l’une des anciennes maisons d’employé·e·s et connaît très bien Luilu. Il signale que la poussière est un grave problème, mais pas le pire que connaissent le quartier et ses 30 000 habitant·e·s : « Nos rivières sont polluées et nous n’avons toujours pas d’eau potable. »

En 2012 et en 2014, Pain pour le prochain et Action de Carême avaient prouvé que KCC polluait la rivière Luilu en rejetant des substances acides et des métaux lourds dans un canal. Actuellement, la situation s’est améliorée : après la modernisation de la mine, il semble que Glencore n’effectue plus de déversements dans la rivière. Les analyses d’eau effectuées par Action de Carême et par Pain pour le prochain en mai 2018 ne montrent plus de traces de pollution.

Entièrement rénovée, la fabrique du site de KCC ne déverse plus d’eaux usées dans la rivière Luilu.

Entièrement rénovée, la fabrique du site de KCC ne déverse plus d’eaux usées dans la rivière Luilu.

L’écosystème de la rivière, longtemps utilisé comme « dépotoir », reste toutefois très pollué. Le rétablissement de l’approvisionnement en eau potable de Luilu incombe donc toujours à KCC et, par conséquent, également à Glencore. La population ne s’est pas lassée d’exprimer cette revendication depuis 2007 dans d’innombrables lettres et lors de nombreuses assemblées. En 2014, lors d’un échange avec Pain pour le prochain et Action de Carême, les responsables de KCC ont fini par promettre leur collaboration à la construction de puits.

Le fruit de cette promesse est visible sous un toit de tôle ondulée dans le centre de Luilu : une station devant alimenter 3000 personnes, carrelée en blanc et dotée de 16 robinets. Le seul problème est que nous sommes début 2019 et que les habitant·e·s attendent toujours que l’eau coule (la situation est identique dans les deux autres stations financées par Glencore). Les motifs sont variés : vol de matériel, problèmes rencontrés lors du forage des puits, tuyaux inadaptés, erreurs de la compagnie d’électricité qui exploite les stations de pompage, etc.

Un échec plutôt étonnant si on pense que la fabrique de la mine de cuivre et de cobalt toute proche, l’une des plus grandes au monde, vient d’être rénovée de fond en comble et fonctionne manifestement à la perfection. Alphonse Makula, syndicaliste et coordinateur de l’Association pour l’intégrité et la bonne gouvernance (ASIBOG), ne comprend pas non plus pourquoi l’eau manque encore : « KCC doit tout entreprendre pour accélérer l’arrivée de l’eau. »

« Sur le plan de l’eau, la situation est catastrophique. Nous devons boire de l’eau qui n’est pas apte à la consommation. Quiconque en boit tout de même doit s’attendre à avoir de la diarrhée et des maux de ventre. »
Alphonse Makula, syndicaliste à Luilu

Alphonse Makula peut se procurer de l’eau dans le jardin de l’un de ses voisins, qui a creusé un puits, mais cela coûte cher – l’équivalent de 7000 francs – et rares sont les personnes qui peuvent se le permettre. De plus, l’eau des puits privés est parfois aussi polluée car, comme l’indique Alphonse, ces puits sont reliés aux canaux d'eaux usées et les personnes qui ne peuvent pas se payer l’assainissement rencontrent également des problèmes de santé.

La plupart des habitant·e·s n’ont dès lors pas d’autre choix que de se procurer de l’eau à des points d’eau publics, comme celui de Sapetelo, l’une des zones les plus pauvres de Luilu. Protégée par des sacs de sable et une bâche en plastique, l’eau s’échappe en gargouillant de deux tuyaux en métal pour alimenter une flaque brunâtre. Le point d’eau est néanmoins un des centres de la vie de la communauté : des enfants et des femmes y remplissent leurs bidons et lavent les habits et la vaisselle en aval.

Toutes et tous espèrent que Glencore, qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 200 milliards de dollars, prendra enfin ses responsabilités et mettra bientôt en service les trois petites stations d’approvisionnement en eau. Après plus de dix ans d’attente, 10 000 personnes auront alors accès à l’eau potable. Quant aux autres districts de Luilu, ils devront continuer à prendre leur mal en patience.

Une hygiène désastreuse : le point d’eau insalubre de Sapatelo.

Une hygiène désastreuse : le point d’eau insalubre de Sapatelo.

Moloka et Kaindu

La lutte pour des dédommagements

Le chef Tshikala est un homme influent. Au Congo, on reconnaît ce statut au chapeau, qu’il porte dans toutes les cérémonies officielles. C’est le cas aujourd’hui, lorsqu’il nous reçoit sur le pas de sa porte en périphérie de Lualaba-Gare et nous invite dans l’ombre d’un petit pavillon. Tshikala est le chef coutumier des villages situés au sud de la mine de Mutanda Mining (Mumi), filiale de Glencore, très éprouvés ces dernières années.

« Un événement malheureux s’est produit en 2013 à Mutanda Mining ». C’est en ces termes que Tshikala se réfère à ce qui s’y est déroulé de juillet 2013 à septembre 2014 : pendant plus d’un an, des déversements toxiques se sont répandus sur les champs de 26 familles paysannes de Moloka, un lieu-dit situé à la limite sud-ouest de la concession de Mumi, détruisant près de 24 hectares de champs avec leurs récoltes.

« Des substances acides se sont répandues sur les champs des paysans de Moloka. Ils ont dénoncé ce fait aux responsables, mais rien ne s’est passé. Nous avons alors pris contact avec le CAJJ, qui nous soutient encore aujourd’hui. »
Chef Tshikala, chef coutumier

Voilà pour les faits, que même Glencore ne conteste plus. La société minière serait d’ailleurs bien en peine de le faire, car la pollution était si étendue qu’elle est encore visible aujourd’hui sur des photos prises par satellite. C’est ensuite que tout se complique. Pour nous en faire une idée précise, nous nous rendons sur les lieux de la tragédie, avec la permission de Tshikala.

Quatre ans après l’accident, la pollution des champs reste bien visible sur l’image prise par satellite.

Quatre ans après l’accident, la pollution des champs reste bien visible sur l’image prise par satellite.

Nous sommes accompagnés par Sœur Nathalie Kangaji, la directrice du Centre d’aide juridico-judiciaire (CAJJ) – partenaire de Pain pour le prochain et d’Action de Carême – qui suit le dossier de près. Au début, les dirigeants de Mumi, la filiale de Glencore, n’ont pas réagi aux plaintes des paysan·ne·s lésé·e·s, qui ont alors alerté le CAJJ. « Nous nous sommes rendus sur le champ et avons établi les dommages », relate Sœur Nathalie, qui nous montre l’ampleur de la dévastation.

Tels des squelettes, des arbres dénudés bordent de vastes étendues d’herbe sèche. À de nombreux endroits, la végétation a complètement disparu et plus rien ne pousse sur le sol rouge foncé. Plus de quatre ans après « l’événement malheureux », seuls quelques arbres rabougris, que Glencore a plantés au titre de « réhabilitation », poussent tant bien que mal. « Mais ils ne poussent pas bien sur le sol contaminé », relève Sœur Nathalie.

Un engagement indéfectible

Nathalie Kangaji est avocate et religieuse, ce qui ne l’empêche pas de se salir parfois les mains dans sa quête de justice. Elle s’accroupit, gratte une couche de boue blanche séchée qui s’est répandue sur le sol et dépose l’échantillon dans un sac en plastique rouge : « On dirait qu’il y a de nouveau eu un déversement, il faut vérifier. »

Pour Sœur Nathalie, son engagement indéfectible va de soi. « Comment pourrais-je détourner le regard lorsque je vois la pauvreté et la misère dans mon propre pays ? », indique-t-elle. Et d’ajouter : « Il est de mon devoir de défendre les plus démunis et de les aider à obtenir justice. » Elle y est parvenue dans le cas des paysan·ne·s de Moloka victimes des déversements de la mine de Glencore, mais il lui a fallu beaucoup de persévérance pour surmonter les innombrables obstacles.

Soeur Nathalie: "Cette misère, je ne supporte pas beaucoup"

Soeur Nathalie: "Cette misère, je ne supporte pas beaucoup"

Dédommagements insuffisants

En dépit de l’évidence, Glencore a longtemps nié que sa filiale Mumi soit à l’origine de la pollution des champs. Le CAJJ a toutefois tenu bon, alerté les autorités locales et obtenu, après d’innombrables discussions et d’interminables négociations, un dédommagement total de 65 330 dollars pour les 26 familles dont les cultures avaient été détruites.

Certes, c’est mieux que rien, mais clairement insuffisant pour de nombreuses victimes. Mumi refuse, aujourd’hui encore, de verser également une indemnité pour les terres qui sont désormais impropres à la culture, contrairement aux dispositions prévues par le code minier congolais. Les 26 familles paysannes n’ont, pour l’heure, pas d’autres terres à cultiver et se trouvent par conséquent dans une situation très précaire.

« L’agriculture est toute ma vie », déclare Jean-Marie Kansambi, dont les champs ont été détruits, « grâce à elle, j’ai nourri toute ma famille et scolarisé mes douze enfants. » Il ajoute que le dédommagement reçu pour les cultures détruites est nettement insuffisant car ses terres sont à jamais improductives et qu’il n’a plus de champs. Sa famille vivote en vendant du charbon de bois et grâce à la solidarité des voisin·e·s.

« Mumi m’a versé 2000 dollars, mais c’est insuffisant. J’ai pu payer l’écolage et quelques sacs de maïs. Or, j’ai douze enfants et plus de terres. »
Jean-Marie Kansambi, paysan de Moloka

Des gardes derrière la clôture

Nous poursuivons notre route en direction de Kaindu, cahotant dans des fondrières presque assez profondes pour y cacher la voiture, et longeons une petite rivière qui va des champs de Moloka à Kaindu. Nous prélevons des échantillons d’eau, que nous ferons analyser plus tard. Les craintes de Sœur Nathalie s’avéreront infondées. Tout est normal.

Le village de Kaindu s’étale sur quelques centaines de mètres le long de la route. Les maisons en briques rouges sans crépi et aux toits de tôle lestés de pierres n’ont généralement qu’une pièce. Chèvres et poules se sont réfugiées à l’ombre pour fuir la chaleur de midi. Au centre du village, Mumi a construit deux fontaines auxquelles des femmes remplissent des bidons.

Nous changeons de monture pour enfourcher une moto. L’étroit sentier nous conduit à travers de la broussaille et des champs déjà récoltés – nous sommes en pleine saison sèche – avant de disparaître à nouveau dans des fourrés. De nulle part surgit une clôture qui barre l’accès aux remblais de la mine de Mumi. Nous ne tardons guère à être repérés : des gardiens s’annoncent et nous font bien comprendre que nous n’avons rien à faire ici.

Nous ne prenons aucun risque et interrompons l’inspection. De retour à Kaindu, nous apprenons ce qui s’est passé près de la clôture dans la nuit du 16 au 17 avril 2017. Dans le local communautaire, des paysan·ne·s ont pris place sur trois rangées de bancs en bois et commencent à parler, expliquant qu’un déversement en provenance de la mine s’est répandu sur leurs champs, a détruit leurs cultures et tué poissons et grenouilles dans la rivière.

Glencore calme le jeu

Les villageois·e·s ont alerté le CAJJ et un de ses collaborateurs est venu constater les dommages visibles. Le CAJJ, accompagné des 32 paysan·ne·s lésé·e·s, a demandé des informations sur l’origine de la pollution et sur les substances déversées. Cette demande est restée sans réponse jusqu’à aujourd’hui. Glencore soutient que la pollution n’a pas affecté des zones cultivées, mais n’a pas pour autant publié ses analyses des substances déversées.

Sa filiale, Mutanda Mining, se contente de décrire le déversement comme étant « une solution mixte de boue de résidus composés de 50 % de solides » et refuse d’entendre parler de dédommagements. Jean-Pierre Ilunga Tshimbu ne se satisfait pas de ces explications. « Toute ma récolte a été détruite, courges, manioc et maïs », déplore ce paysan de 42 ans, qui exige que Mumi reconnaisse la pollution et verse une indemnité.

« Nous nous sommes rendus le matin sur les champs et nous sommes aperçus que la rivière avait changé de couleur. Les poissons et les grenouilles étaient morts. »
Ngoie Ma Mwenge, paysanne de Kaindu

Le cas de Sarah Véronique Ilunga Nkumwimba est identique : cette femme de 32 ans, mère de trois enfants, a traversé la rivière dans laquelle le déversement s’est produit pour se rendre à ses champs. Se plaignant de démangeaisons aux jambes et de vertiges, elle a dû se rendre à l’hôpital de Kolwezi, puis à celui de Lubumbashi, et sa famille a dû s’endetter pour couvrir les frais de déplacement et les consultations.

« À l’hôpital, l’infirmière m’a dit que je faisais une allergie à des “substances”. J’en ai parlé à l’entreprise [Mumi], mais j’ai été éconduite. »
Sarah Véronique Ilunga Nkumwimba, paysanne de Kaindu

Les rapports médicaux sont contradictoires. Après avoir confié l’affaire à un avocat, Glencore a fait savoir à Sarah Ilunga que sa maladie n’avait aucun lien avec les substances qui s’étaient échappées de la mine. Le CAJJ est intervenu et a pris contact à plusieurs reprises avec des représentants locaux de Glencore. Un succès en vue ? En novembre 2018, Glencore s’est déclarée disposée à rouvrir le dossier et à envisager le versement d’une indemnité. Sœur Nathalie s’en réjouit, car des progrès ne se produisent pas tous les jours. « Parfois, il faut simplement être persévérant », explique-t-elle, « et tout d’un coup cela arrive. »

Conclusion

Depuis 2010, Pain pour le prochain et Action de Carême œuvrent en faveur de la population vivant aux abords des mines de cuivre et de cobalt exploitées par Glencore en République démocratique du Congo. Avec l’aide de leurs partenaires locaux, Afrewatch et le Centre d’aide juridico-judiciaire (CAJJ), les deux organisations d’aide au développement ont rédigé quatre rapports qui examinent les activités des filiales du groupe zougois ainsi que les atteintes causées à l’environnement et aux droits humains par l’extraction des matières premières. Le dernier rapport est paru à la fin du mois de novembre 2018.

Il ressort de ces études que les abords des mines des entreprises Mutanda Mining (Mumi) et Kamoto Cooper Company (KCC) sont régulièrement le théâtre de violations des droits humains et de dommages environnementaux. Ces abus, qui vont de la pollution des eaux de la rivière Luilu à d’importantes émissions de poussières, en passant par la contamination de cultures, de champs et de jardins par les effluents des mines, bafouent à des degrés divers le droit à l’eau, à l’alimentation et à la santé des habitant·e·s.

Une obligation de diligence insuffisante

En vertu des normes internationales telles que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies, Glencore est tenu d’observer un devoir de diligence en matière de droits humains et de protection de l’environnement et de prendre les dispositions qui s’imposent. Comme le montre ce reportage, au cours des dernières années, le groupe suisse a adopté différentes mesures visant à réduire ou à supprimer les répercussions négatives de ses activités.

Celles-ci ont notamment permis d’enrayer la contamination des eaux de la rivière Luilu. En revanche, en ce qui concerne le droit à la santé (émissions de poussières à Musonoi et à Luilu) et à l’alimentation (contamination des champs), elles se sont révélées insuffisantes. De plus, des dizaines de milliers d’habitant·e·s de Luilu et de Musonoi n’ont toujours pas accès à l’eau potable. C’est un fait, Glencore ne respecte pas pleinement son devoir de diligence.

Malgré tout, la situation de la population et la protection de l’environnement se sont améliorées à de nombreux égards, et ce en grande partie grâce aux actions et aux pressions réalisées par les partenaires d’Action de Carême et de Pain pour le prochain. En effet, face aux accusations de pollution, Glencore a généralement réagi selon la même logique. Tout d’abord, le groupe oppose un démenti. Par la suite, il reconnaît en partie sa responsabilité mais sans pour autant être disposé à indemniser les victimes. Enfin, il accepte de négocier, en concertation avec les autorités et les ONG locales. Ce n’est qu’ensuite que Glencore consent à verser des indemnités ou à mettre en œuvre les mesures promises.

L’initiative pour des multinationales responsables apporte une solution

Cet état de fait démontre toute l’importance du travail de fond réalisé sur le terrain par les partenaires de Pain pour le prochain et d’Action de Carême. Néanmoins, ces actions ne suffisent manifestement pas, car des problèmes majeurs subsistent. On imagine aisément quelle peut être la situation dans les endroits où la société civile n’est pas assez forte pour surveiller les groupes comme Glencore, exercer des pressions à l’échelle locale et internationale et faire entendre sa voix dans les médias.

Pour Action de Carême et Pain pour le prochain, c’est donc une évidence : il est essentiel de soumettre les entreprises suisses actives à l’étranger à des règles contraignantes reconnues au niveau international qui leur imposent un devoir de diligence étendu dans le domaine des droits humains et des normes environnementales. Tel est l’objet de l’initiative pour des multinationales responsables. Ces règles seraient essentiellement préventives et offriraient aux victimes de violations de droits humains la possibilité de déposer plainte en Suisse.

C’est la seule voie qui permettrait d’exiger systématiquement des entreprises suisses qu’elles respectent les droits humains et les normes environnementales à l’étranger. Dans les pays tels que le Congo, qui ne disposent pas d’un système politique et juridique fiable et sont dès lors vulnérables à la corruption, cette question revêt une importance considérable. Sœur Nathalie Kangaji, coordinatrice du CAJJ, place donc de grands espoirs en l’initiative. L’avocate dénonce l’appareil judiciaire « gangréné » du Congo, contrairement à celui de la Suisse, qui est un État de droit : « Si une loi instaure la possibilité de saisir les tribunaux suisses, les victimes pourront obtenir justice. »

Limitation de responsabilité

Le présent reportage se fonde sur un voyage de recherches réalisé dans la région de Kolwezi à la fin du mois de mai 2018, sur différents rapports rédigés par Afrewatch et le CAJJ, partenaires de Pain pour le prochain et d’Action de Carême au Congo, ainsi que sur le rapport publié par Action de Carême et Pain pour le prochain à la fin du mois de novembre 2018 et son résumé. Il reflète l’état de nos connaissances à la fin du mois de février 2019.

Impressum

Textes, vidéos et page Internet: 
Lorenz Kummer, Pain pour le prochain
Crédit photo: Meinrad Schade

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